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Le cancer de la prostate était une blessure narcissique

Philippe : “mon cancer de la prostate était aussi une blessure narcissique”

Aujourd’hui en France, on diagnostique chaque année 66 070 cancers de la prostate et 2 752 cancers des testicules selon l'association Movember. Leurs données pointent également du doigt la difficulté pour les hommes à évoquer leurs problèmes de santé avec leur entourage. “En cas de souci physique”, 66% des interrogés déclarent qu’ils en parleraient uniquement à un membre de leur famille et le plus souvent à leur conjoint. Face à ces chiffres, il est important de sensibiliser et témoigner.

C’est pourquoi les marques Gillette et King C. Gillette s’engagent aux côtés de l’association Movember qui œuvre chaque année pour récolter des fonds pour la recherche médicale et sensibiliser le grand public aux pathologies masculines. Car plus le cancer de la prostate est détecté à un stade précoce, meilleures sont les chances de guérison. D’où l’importance d’être à l’écoute de son corps et de se faire dépister comme en témoigne Philippe. Aujourd’hui âgé de 60 ans, il a appris il y a cinq ans qu’il souffrait d’un cancer localement avancé de la prostate. Il nous raconte son parcours.

Comment avez-vous su que vous souffriez d’un cancer de la prostate ?

Plusieurs symptômes auraient pu me mettre la puce à l’oreille. J’avais par exemple très fréquemment envie d’uriner et mon jet d’urine était très faible. Les douleurs au moment de l’éjaculation étaient également récurrentes. Je pensais que c’était la fatigue ou une cystite. J’avais également reçu un ballon dans la zone intime quelques semaines auparavant, je me disais que c’était peut-être lié et que ça allait finir par passer.

Vous avez beaucoup attendu avant de consulter un médecin ?

Presque six mois. Je me trouvais énormément d’excuses pour expliquer mes douleurs. J’avais probablement peur de savoir la vérité et je n’avais pas envie de me montrer vulnérable auprès de mes proches. D’ailleurs, quand j’ai pris la décision de finalement consulter un médecin après avoir constaté la présence de sang dans mes urines, je ne l’ai même pas dit à ma femme. L’idée qu’elle sache que j’allais montrer mon pénis ou subir un toucher rectal me mettait mal à l’aise. Je préférais être seul avec mes angoisses.

Avez-vous pensé qu’il pouvait s’agir d’un cancer de la prostate ?

Ça m’avait traversé l’esprit. Mais les deux tiers des cas apparaissent après l’âge de 60 ans. J’avais 55 ans à l’époque, je pensais être trop jeune pour souffrir de ce type de pathologie. Jamais mon médecin ne m’avait alerté sur le sujet ou ne m’avait incité à effectuer des dépistages réguliers. Avec mes amis, ce n’était pas non plus un sujet que l’on abordait.

Le diagnostic est tombé après un toucher rectal pour vérifier le volume de ma prostate, un dosage sanguin de l’Antigène Prostatique Spécifique (PSA) - la substance que produit la prostate - puis une biopsie de la prostate.

Comment avez-vous réagi ?

Le monde s’est effondré, je me suis dit que j’allais mourir, d’autant qu’il s’agissait d’un cancer avancé. Mes premières pensées ont été pour mes enfants et ma femme. Est-ce que j’étais en train de vivre mes derniers moments auprès d’eux ? Et si je m’en sortais, à quoi allait ressembler ma vie ? Est-ce que ma femme allait me quitter ? Une multitude de questions m’ont traversé la tête en quelques secondes.

Vous avez tout de suite parlé à votre entourage ?

J’ai attendu le lendemain pour le dire à ma femme. J’ai eu énormément de mal à lui parler. A la peur, l’angoisse et la souffrance s’ajoutait une perte de confiance en moi énorme. J’étais comme prisonnier du rôle de mari et d’homme que je m’étais construit. Je ne voulais pas me montrer vulnérable et encore moins lui dire que je souffrais d’une maladie qui touchait à mon intimité.

Avez-vous été déçu ou au contraire agréablement surpris par les réactions de vos proches ?

Ma femme et mes enfants ont été d’un soutien infaillible. La maladie nous a soudé, aujourd’hui nous sommes plus proches que jamais. Parmi mes amis les choses sont différentes. Les témoignages d’amour et de soutien ne sont pas toujours venus des personnes auxquelles je m’attendais. Certains étaient gênés, avaient peur de ne pas savoir quoi dire ou d’être maladroits et ont préféré se mettre en retrait. J’ai reçu après mon opération des messages d’excuses, notamment de la part de mon meilleur ami, désolé de ne pas avoir réussi à passer au-delà de sa pudeur.

Lorsque vous apprenez que vous avez un cancer, vous avez aussi des personnes qui se mettent dans le rôle d’un coach de vie et qui adoptent tout de suite un langage combatif. “Ça se soigne bien aujourd’hui !” “Il faut que tu te battes, que tu sois courageux”. Je pense qu’il faut arrêter ces injonctions à être fort. Ça a été une double peine pour moi qui avait déjà du mal à verbaliser et exprimer mes sentiments. J’avais besoin qu’on reconnaisse ma souffrance et qu’on admette que non, tout n’allait pas forcément bien aller.

Vous avez choisi de vous faire opérer pour limiter les risques de récidives. Quelles étaient vos peurs principales ?

Mon cancer étant assez avancé, la principale option qui s’offrait à moi pour me sauver et limiter les risques de récidives était la prostatectomie. Mais en retirant la prostate et les ganglions éventuellement touchés, je prenais aussi le risque d’être impuissant ou incontinent jusqu’à la fin de mes jours.

Je savais qu’après ce type d’intervention la grande majorité des patients étaient toujours en vie au bout de 5 ans, j’étais plutôt rassuré sur ce point par le corps médical. En revanche, j’étais terrifié à l’idée de vivre avec une couche ou que ma femme ne me quitte pour retrouver du plaisir sexuel avec un autre homme. C’était aussi une blessure narcissique pour moi, car on touchait à mes organes sexuels et donc à ma masculinité.

Un peu plus de cinq ans après l'opération, comment allez-vous ?

Je suis en rémission complète. J’ai également eu beaucoup de chance car j’ai conservé mes “capacités”. Tout fonctionne, sauf que je ne sécrète plus de sperme. Mes érections ne sont plus comme avant, mais ça fonctionne quand même. A ce niveau aussi nous nous sommes rapprochés avec ma femme. Le dialogue et l’écoute ont été primordiaux pour reprendre une activité sexuelle. A presque 60 ans, nous nous sommes redécouverts l’un et l’autre.

Pourquoi souhaitez-vous témoigner ?

Je veux montrer qu’il y a une vie après le diagnostic et qu’elle peut être très belle. Je suis loin d’être un cas isolé, pourtant c’est un témoignage qu’on entend encore très peu dans notre société. Il faut lever le voile sur cette maladie et libérer la parole. La pudeur et le mythe de la virilité dont les hommes sont nombreux à être prisonniers constituent selon moi l’un des freins au dépistage du cancer.

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Camille Moreau

Camille Moreau

Journaliste lifestyle depuis cinq ans, Camille est passionnée par la beauté, le bien-être et le sport.

*les personnes sur la bannière ne représentent pas l’interviewé (Philippe) et la bloggeuse (Camille) pour des raisons de confidentialité.